Leur vision du monde se structure autour :
Leurs valeurs, leurs fondements moraux se structurent autour de l’idée de justice, d’équité et d’ordre. Une notion d’ordre juste, qui assure le respect des règles pour tous, sans deux poids deux mesures. Importance également du civisme, de la politesse, du respect de l’autre. Le travail est perçu comme un vecteur d’intégration et de reconnaissance.
Les éléments qui les distinguent : plus féminin, plus représentés dans les CSP-, un niveau de diplôme un peu plus bas que la moyenne, plus de difficultés financières que la moyenne.
Politiquement, c’est la famille de valeur qui se positionne le moins sur une échelle gauche-droite, démontrant une prise de distance avec cette lecture politique (et avec la politique en général). C’est également un segment d’opinion plus abstentionniste que la moyenne. Quand il vote, se tourne d’abord vers Marine Le Pen (21% d’intention de vote en mars 2022 vs. 15% en moyenne), sans survote pour Eric Zemmour.
La crise climatique inquiète autant les Laissés pour compte que la moyenne des Français. Mais leurs priorités pour la France traduisent une autre inquiétude, plus grande encore : le pouvoir d’achat.
L’environnement et le changement climatique est leur 6e priorité pour la France.
Leur lecture du changement climatique et de ses causes est celle de la moyenne des Français : pour 75% des Laissés pour compte, le changement climatique est dû à l’activité humaine, et non pas un phénomène naturel comme il en a toujours existé.
C’est également un des segments de valeurs les moins techno-solutionniste, avec les Militants désabusés et les Stabilisateurs : seuls 12% d’entre eux considèrent que les avancées technologiques permettront de résoudre le problème et qu’ils n’est donc pas nécessaire de modifier nos modes de vie et modèle économique.
Les Laissés pour compte sont 56% à déclarer avoir « la plupart du temps ou de temps en temps des difficultés à payer les factures à la fin du mois », soit 7 points de plus que la moyenne (49% des Français). C’est le segment de valeurs, à déclarer le plus ces difficultés, avec les Attentistes.
A noter qu’à l’inverse ils sont moins nombreux que d’autres segments (Identitaires, Stabilisateurs), à soutenir l’idée que le coût de la vie est à traiter prioritairement, quitte à aller moins vite sur l’environnement. Ils sont nombreux à ne pas se prononcer, signe que cet antagonisme ne fait pas forcément sens pour eux.
Autre signe d’une lecture plus nuancée que certains clichés véhiculés sur les populations plus modestes, qui aspireraient à un rêve de consommation et d’abondance : les Laissés pour compte considèrent autant que la moyenne (72% d’entre eux), que la sobriété est une solution souhaitable face à la crise climatique et environnementale.
Par ailleurs, ils ne considèrent pas plus que la moyenne que la vie de beaucoup de Français va devenir difficile si l’on modifie notre mode de vie et notre modèle économique : ils sont 52% à le penser, soit autant que la moyenne des Français.
En lien avec cet attachement à la préservation de la beauté des paysages et des sites naturels français, les Laissés pour compte considèrent d’ailleurs moins que la moyenne des Français que la nature est une ressource à exploiter par l’Homme (34% vs. 38% en moyenne).
Le risque des catastrophes météorologiques : les Laissés pour compte sont un peu plus inquiets que la moyenne de la multiplication des catastrophes météorologiques liées à la crise climatique (50% vs. 43% en moyenne, segment le plus inquiet).
Les Laissés pour compte sont un des deux segments de valeurs (avec les Militants désabusés) à rejeter le plus le modèle économique actuel. Ils sont 32% à considérer qu’il n’est « pas du tout compatible » avec l’enjeu environnemental et climatique (vs. 25% des Français en moyenne).
Ils sont aussi la 2e famille d’opinion (toujours avec les Militants désabusés) à considérer qu’il va falloir « changer radicalement nos modes de vie » : 62% à être d’accord, vs. 58% en moyenne.
Ce rejet du système peut également se lire dans leur très faible confiance envers les membres du gouvernement pour obtenir des informations fiables sur des sujets qui leur tiennent à cœur. Ils sont 7% à faire confiance au gouvernement (-9 points par rapport à la moyenne), et 58% à le mettre dans les acteurs en qui ils font le moins confiance (+13 points par rapport à la moyenne).
Leurs valeurs de justice et d’équité se retrouve dans leur rapport à la transition écologique :
Mais on retrouve aussi la notion centrale « d’ordre juste », via la condamnation des injustices et d’un système à deux vitesses : 61% pensent que « changer mes comportements ne sert à rien car les gros pollueurs ne font rien ».
Face à la crise climatique, ils sont 38% à déclarer ressentir de l’impuissance (2e sentiment évoqué après l’inquiétude). Ils ressentent par ailleurs moins « d’espoir » (3% d’entre eux vs. 8% en moyenne) et de « détermination » (1% d’entre eux vs. 6% en moyenne) face à cet enjeu.
Sur tous les facteurs permettant de favoriser – ou non – l’engagement et l’action, les Laissés pour compte sont plus bas que la moyenne des Français :
De manière générale, ils déclarent plus que la moyenne que « c’est trop difficile pour les gens comme moi d’agir » (45% vs. 40 en moyenne) ou encore « ne pas avoir leur place dans le mouvement en faveur de l’environnement et de la lutte contre le changement climatique » (38% vs. 30% en moyenne).
Autre frein à leur mobilisation potentielle : une grande défiance généralisée vis-à-vis des institutions, du gouvernement mais aussi des médias et des journalistes. Communiquer auprès d’eux nécessite de prendre en compte cette défiance et d’y répondre.
Des actions de mobilisations privilégiées : la pétition, le partage sur les réseaux sociaux
Les Laissés pour compte sont prêts à en faire plus dans leur quotidien, si on leur en donne les moyens et de la lisibilité :
Il faut bien sûr faire attention aux 19% de Laissés pour compte qui déclarent déjà faire le maximum et ne pas pouvoir en faire plus. Le risque de voir le « vase déborder » existe. Mais ce n’est pas un trait caractéristique de cette famille, cette proportion étant dans la moyenne nationale. Seulement, conjugué à leur priorité du pouvoir d’achat, et au sentiment que leur réalité, leurs difficultés, ne sont jamais prises en compte, cela peut engendrer des réactions de rejet plus fortes.
Le rapport des Laissés pour compte aux actions individuelles en faveur de l’environnement rappelle leur pragmatisme et un rapport attentif à la question du prix, du temps et de la praticité dans leur vie quotidienne.
Pour les engager dans la cause climatique, le défi principal est de valoriser leur implication en faveur de l’environnement, et au-travers de cette reconnaissance, leur faire prendre conscience du pouvoir de leur action. C’est en passant du sentiment de subir à celui d’avoir le pouvoir d’agir qu’ils joueront pleinement leur rôle dans la mobilisation individuelle et collective.
Pour y arriver, dans la communication avec eux il est clé de :
1/ RECONNAITRE aussi bien les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien (vie chère notamment) que les efforts qu’ils font en faveur de l’environnement.
2/ EXPLIQUER comment l’engagement pour l’environnement peut leur apporter une plus grande qualité de vie au quotidien : en proposant des alternatives de consommation qui prennent en compte leurs préoccupations – celle de faire des économies par exemple.
3/ METTRE EN LUMIERE le pouvoir et les moyens d’agir dans la cause climatique dont ils disposent mais dont ils ne sont pas forcément conscients : l’Affaire du Siècle valorise une mobilisation très accessible à travers la signature d’une pétition en ligne par exemple. Ensuite ils entretiennent une communication très régulière et encourageante avec tous leurs signataires.
4/ VEILLER à ne pas les décourager en leur donnant l’impression qu’il faut toujours en faire plus, que se mobiliser pour le climat est coûteux, ou bien que c’est l’apanage d’une élite.
Dans la communication, nous devons viser à faire quelques déplacements. Il s’agit aussi bien de faire évoluer leur perception du sujet que de faire évoluer la façon dont on communique sur ces 4 aspects :
1/ En matière de TON, ils seront sensibles à la reconnaissance de ce qu’ils font déjà, et donc à un ton encourageant et bienveillant, mais aussi réaliste, pragmatique et concret. La culpabilisation, la moralisation ou un ton négatif sont bien sûr à bannir.
2/ En termes de DISCOURS, le mieux est de s’ancrer dans leurs défis de la vie quotidienne et de faire le lien avec les défis climatiques. Avec eux, il est possible de parler d’un système qui ne marche pas et qui peut changer au profit d’une meilleure qualité de vie – notamment au-travers de la sobriété. A l’inverse, aborder le sujet par de grands principes et enjeux moraux risque de leur paraître trop fumeux.
3/ En termes de TEMPORALITE, le mieux est de s’ancrer sur le quotidien – en évitant une temporalité floue ou futuriste, qui serait déconnectée de leur vie quotidienne.
4/ Enfin, en matière d’ESPACE, l’idéal est de s’ancrer dans leurs lieux de vie, et le plus localement possible. Ils valorisent la nature et la beauté de ses paysages. C’est un sujet à aborder avec eux, surtout sous le prisme du local. A contrario, l’espace monde, globalisé, trop flou est à éviter.
La conversation avec eux peut s’établir autour des thématiques et valeurs que nous avons en commun. Lorsqu’il s’agit de faire un choix de thématique à aborder avec eux via des contenus ou une campagne, nous gagnerons leur attention en parlant avec eux de :
1/ FAMILLE ET ENFANTS : loisirs, éducation et transmission de valeurs environnementales, temps passé dans la nature.
2/ SANTÉ : les menaces sur la santé induites par la crise climatique, mais aussi des sujets plus positifs tels que les médecines douces et alternatives.
3/ L’ENVIRONNEMENT AU QUOTIDIEN : actions individuelles quotidiennes, économies d’énergie, les meilleurs déchets sont ceux qu’on ne produit pas, la consommation vertueuse au-delà du bio. Intermarché par exemple a communiqué de façon assez intéressante pour valoriser les légumes moches en luttant contre le gaspillage alimentaire.
4/ SUJETS SOCIÉTAUX ET SOCIAUX : justice et équité, pouvoir d’achat, valorisation des modes de vie qui favorisent la sobriété. L’ADEME a par exemple lancé une campagne sur la valorisation de la seconde main : “Nos objets ont plein d’avenirs”.
Premier élément important à noter : à la question “parmi les acteurs suivants, à qui faites-vous le plus confiance pour obtenir des informations fiables sur des sujets qui vous tiennent à coeur”, les Laissés pour compte sont en rouge, plus bas que la moyenne sur presque tous les acteurs proposés, à l’exception de leurs proches. C’est la marque d’un cercle de confiance restreint au cercle de l’intime, et d’un rapport à l’information marqué d’abord par la défiance.
Leur cercle de confiance :
Quelques recommandations d’émetteurs potentiels – qu’il conviendra bien sûr de tester :
Les canaux de communication par lesquels ils s’informent en premier :
Leurs chaînes de télévision les plus consommées : TF1, M6
Leurs journaux les plus lus (en format papier ou numérique) : un journal régional, 20minutes
Leurs radios les plus écoutées : NRJ, Nostalgie.
Leurs réseaux sociaux les plus utilisés : Facebook, Youtube
Et je n’oublie jamais de me référer aux conseils et étapes de « mieux parler d’écologie », issus de la synthèse de la recherche en climate communication!