Depuis plus de 10 ans, des chercheurs travaillent sur l’engagement du public vis-à-vis du changement climatique, dans un champ communément appelé « climate communications ». Nous faisons ici la synthèse et rendons opérationnels certains des résultats de ces recherches.
La plupart de ces recherches en matière de climate communications ont été menées dans des pays anglo-saxons, et sont menées par le biais de l’expérimentation, en observant les résultats d’une intervention, le plus souvent d’un message, sur un groupe de personnes défini. L’ensemble des résultats de ces expérimentations ne se retrouveraient pas automatiquement en France. Mais les conclusions de ces recherches constituent de premières recommandations, dont il faut tenir compte pour renforcer l’impact de sa communication.
Toutes les recommandations formulées ici, et dans le document de synthèse téléchargeable, sont basées sur des articles de recherche évalués par des pairs et publiés au cours des 10 dernières années.
Nous percevons les faits par le filtre de nos valeurs. Il est donc indispensable de partir de celles-ci pour définir la communication la plus impactante. Destin Commun a identifié six segments au sein de la société française, regroupés par l’homogénéité de leurs valeurs, de leurs fondements moraux.
Au Royaume-Uni, des campagnes de promotion des transports collectifs visant des publics conservateurs ont ainsi rencontré un plus grand succès dès lors qu’elles mettaient en avant la protection des paysages.
Aux Etats-Unis, les Républicains sont plus sensibles aux enjeux climatiques quand le risque de guerre est pointé, bien plus que la submersion des côtes.
Les faits ne passent pas seulement le filtre de notre niveau d’éducation, mais également celui de nos opinions et de nos valeurs. C’est ce filtre qui est le plus décisif. Et plus le niveau d’éducation est élevé, plus l’idéologie et les valeurs biaisent la perception des faits.
Une étude a montré que l’orientation idéologique – dans celle-ci la croyance dans le “marché” – est l’élément le plus prédictif sur l’attitude vis-à-vis du changement climatique, bien plus que le niveau d’éducation ou le fait d’avoir été confronté à des catastrophes climatiques.
Le changement climatique est le sujet sur lequel l’influence des valeurs sur la perception des faits scientifiques est la plus forte.
Chaque mot a son impact propre, est vecteur d’émotion, d’imaginaire et de réactions. Ils sont donc à peser et à choisir avec soin, pour renforcer l’efficacité du message en fonction du public et de l’objectif visé.
Prenez l’action pour lutter contre le changement climatique, elle peut être :
Plus on pense que les autres sont concernés ou agissent, plus on va se sentir concerné ou agir soi-même. Cette corrélation est d’autant plus forte si l’on s’identifie fortement au groupe dont on perçoit l’implication sur le sujet.
Très concrètement, si…
Personnifier le message – avec la bonne personne – est un moyen efficace pour convaincre, notamment les publics les plus réticents.
Un exemple : le changement climatique impacte les océans et la biodiversité marine, ce qui appelle, dans ce domaine comme dans d’autres, à une action des pouvoirs publics. Comment sortir de ce constat général, et plus encore convaincre un public conservateur et réticent ? Dans cet exemple : un pêcheur, âgé et blanc, témoignant de la dégradation de ses conditions de pêche ces dernières années, pourrait être le meilleur ambassadeur pour le public visé. Les principes d’identification et d’empathie sont activés.
Avoir un bon message est essentiel. Choisir la bonne personne ou la bonne organisation pour le porter l’est tout autant. L’émetteur influence beaucoup la réception du message.
Exemple aux Etats-Unis. Une étude a montré qu’un même message sur les effets futurs du changement climatique peut générer deux réactions auprès d’un Républicain :
Dans une expérience, des personnes lisent un contenu équivalent sur le fond. Dans un cas, le message utilise un jargon scientifique, tel que des acronymes ou des termes techniques. Dans l’autre, des termes plus simples, accessibles et courants sont utilisés.
Le résultat est sans appel : l’utilisation d’un jargon (scientifique mais aussi militant), même quand il est défini, diminue fortement l’engagement et l’intérêt des lecteurs. Leur sentiment de ne pas connaître suffisamment le sujet peut également s’en trouver renforcé, allant ainsi pleinement à l’encontre de l’objectif d’informer et d’engager.
Si les narratifs ont des effets puissants, chaque mot peut venir jouer sur les perceptions. Le choix de la sémantique, également dans les termes plus techniques, a une influence sur la réception du message.
Exemple : de nombreux termes peuvent être utilisés pour parler de gaz (naturel, méthane, gaz fossile…). En fonction du terme choisi et du public, les réactions ne seront pas les mêmes :
Des messages positifs (axés sur les solutions, l’impact individuel, la réduction des émissions mondiales) augmentent certes l’espoir, mais réduisent la perception des risques et ne provoquent pas suffisament de passage à l’action.
À l’inverse, des messages alarmistes accélèrent les intentions d’adaptation au changement climatique et amplifient la perception des risques. Mais, ces informations peuvent submerger une partie de l’audience qui se réfugiera plutôt dans l’immobilisme.
Un discours entre gravité et espérance semble être le compromis idéal pour faire prendre conscience et moviter. Et oui, les sciences humaines ne fournissent pas toujours les réponses les plus tranchées !
Plus le message nous concerne, plus nous sommes attentifs et capables de nous engager. Quoi de plus proche que notre santé ?
Aux Etats-Unis, plusieurs études ont montré l’impact des arguments de santé sur la réception des messages concernant le changement climatique, notamment auprès des personnes les plus hésitantes. Après avoir lu un texte faisant le lien entre les deux, les centristes et conservateurs ont fait évoluer leur position, estimant davantage que le changement climatique est un sujet important.
Les messages les plus efficaces aux Etats-Unis sont ceux qui traitent de la qualité de l’air.
Les textes ont leur importance, les images tout autant, si ce n’est plus ! Pour un même message, des images différentes provoquent des réactions propres.
Une étude a ainsi exposé les participants à un seul type d’images pour illustrer les changements climatiques :
L’étude a permis de déceler que les images montrant les impacts des changements climatiques génèrent un plus fort désir de changer son comportement, un soutien plus important aux politiques publiques sur le sujet et généraient plus d’engagement, notamment de partages.